Sang d’encre

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Sang d’encre

Texte libre

Sara Hussami

Quand la spécialiste glissa l’ouverture de la porte, elle aperçut le jeune homme camisolé sur le banc gris encrassé de vomis. L’homme avait sans doute un problème pathogène de digestion, ou alors il se faisait lui-même vomir afin de surmener les infirmières tâchées de se charger de l’hygiène des patients. Il fit semblant de ne pas entendre le grincement de la petite porte qui coulissait, et resta figé assit. Son regard visait le sol, ses cheveux sales recouvraient son visage. Elle fût stupéfaite par les traits fins de son visage qui ne laissaient pas deviner les massacres qu’il fit subir à ses victimes.

– Bonjour, j’espère que vous avez bien dormi aujourd’hui ? Sa voix était neutre, et elle gardait habilement son sang froid. Voyant que l’homme ne rétorqua pas, elle poursuivit.

– Comme vous le voyez, Dr.Krankheit ne s’occupera plus de vous, à partir de maintenant, c’est moi qui vous prendra en charge,… appelez-moi Doctoresse Hinzel.

Il leva la tête et la fixa le visage de la jeune femme, d’un air   impassible. Elle lui souriait, en souhaitant le mettre le plus en confiance et qu’il se sent totalement à l’aise, assez pour que le dialogue s’installe.

-Maintenant, je vais ouvrir la porte et je vais m’installer sur la chaise que vous avez à côté de vous, afin qu’on puisse parler un peu. Qu’en dites-vous ? Malgré le silence de l’homme, elle s’efforçait de montrer de l’entrain.

-Je vois que vous avez quelques problèmes de digestions, les infirmières ne viennent-elles donc jamais pour assainir? Demanda-t-elle avec une certain sarcasme. Elle débarrassa le patient de ses menottes, ne craignant rien puisqu’il était sous tranquillisants.

-Non jamais, répondit-il de façon formelle. Il tapota la chaise d’à côté, pour lui souligner de venir s’asseoir. Vous savez, je suis content que Dr. Krankheit ne vienne plus, il me rebutait de façon dantesque. J’ai besoin d’être amusé, en plus vous êtes une femme, cela modifiera mon quotidien monotone, les femmes sont d’une compagnie distrayante.

Dresse Hinzel rit, puis prit note.

– De quoi prenez-vous notes? Ai-je dit quelque chose susceptible d’être conséquent ? L’homme parlait d’un ton sardonique.

– Bien sûr, Mr. Napier. Le médecin releva ses lunettes et regarda sa montre. J’aimerais que vous me parliez un peu de vous.

Il ne répondit pas. Voyant que le patient faisait la sourde oreille, elle décida de remanier sa tactique.

– Je pense que nous allons bien nous entendre, Mr. Napier. Si je suis ici, ce n’est pas pour vous accabler de morales, juste pour que nous conversions un peu. Un sorte d’échanges dans le but d’en apprendre un peu plus l’un sur l’autre.

– Ah… ? L’homme paraissait enchanté par la tournure que prenait la discussion. Vous n’allez pas donc me demandez si j’aime la vie et ce genre de questions niaises?

-Non, pas ce genre d’interrogations. Je veux savoir le pourquoi de vos actes, ce qui vous pousse.

– Ah ah. Bien. Je consens à vous répondre, Doctoresse Hinzel.

– Est-ce un réel plaisir pour vous que de torturer vos victimes, enfin…je veux dire, pourquoi ne pas tuer simplement au lieu de faire durer la souffrance ? Dresse Hinzel regarda le patient qui l’a fixait comme si elle venait de raconter la plus grande des drôleries.

Le patient explosa de rire, si fort qu’il mit mal à l’aise Dresse Hinzel qui souriait nerveusement.

-Vous êtes admirablement drôle. Je vous aime bien, continuez à me divertir de la sorte. Je vais vous répondre de façon brève mais claire. La souffrance de mes victimes permet de savoir vraiment qui ils étaient…c’est dans les derniers moments que la plupart des gens révèlent qui ils sont réellement. L’homme fixait la jeune femme gracile en ricanant.

-Comment avez-vous fait pour réussir de si rudes études ? Vous paraissez pourtant si frêle, l’hôpital psychiatrique n’est sûrement pas un endroit rêvé pour vous. Enfin, un homme serait ravi d’avoir une épouse de votre genre à ses côtés.

-Il ne s’agit pas de parler de moi, Mr. Napier, je suis ici pour qu’on parle de vous. Dresse Hinzel essayait de garder son sang froid, en vain.

-Cela fait longtemps que je vous vois vadrouiller dans l’hôpital. Il m’arrive de rester longuement à vous contempler pendant que vous vous baladez dehors. J’aime observer les gens dans le parc longuement, quand vos médocs’ me rendent complètement stoïque face à la dure réalité.

L’homme s’exprimait vite malgré les apaisants qui rendaient ses gestes flegmatiques et engourdis.

-Je comprends votre irritation face aux médicaments, cher Mr. Napier, mais

concevez que nous ne voudrions point prendre de risques, enfin…quand même, les médecins ont lu des choses horribles à votre sujet.

L’homme s’esclaffa de dire.

Dresse Hinzel supportait mal la pression face à ce danger public, elle comprit à quel point les médecins se sentaient confus face à son attitude barbare.

La spécialiste avait du mal à regarder en face son patient tellement son regard inspirait la pourriture.

-Je prends cela avant tout pour une activité comme une autre.

Les gens aiment la couture, le dessin, la cuisine…Moi j’aime humilier…et tuer. Je ne sais si je préfère plus l’un ou l’autre, à vrai dire le nec le plus ultra est quand j’humilie la personne avant de passer à sa torture. L’homme pouffait de rire.

Dresse Hinzel ressentait de l’exaspération, elle restait bloquée sans pouvoir écrire la suite.

– A quoi pensez-vous ? L’homme croisait les jambes d’un air amusé, comme si le spectacle qui s’offrait à lui était d’une distraction théâtrale.

– N’avez-vous donc aucune éthique? Aucune morale? Aucune discipline?

Il m’arrive de penser que les hommes comme vous ne soient que des bêtes de foires.

Dresse Hinzel ne parvenait pas à garder sa quiétude inculquée à tous les psychiatres.

– Allons donc, votre métier consiste à rester d’une neutralité implacable, j’ai l’impression d’être en face d’une femme officier de police…Il ne s’agissait pas donc d’échange dans le but purement cordial ? Où va le monde, je vous le demande…L’homme prenait un ton parodique.

Pour répondre à vos questions, la seule moralité qui tienne dans un monde cruel est la chance. J’entrouvre la porte à l’anarchie, je bouscule l’ordre établi et très vite règne le chaos le plus total. Et moi j’annonce le chaos… et vous savez comment qualifier le chaos ? … Il est impartial !

– Vous choisissez vos victimes dans le flou total? Sans aucune stratégie? Dresse Hinzel ne supportait pas le fait que ses nombreuses victimes furent tuées dans le seul but d’assouvir les idéaux anarchiques du sociopathe.

– Oui. Ah ah, je dois sous-entendre que si j’avais un plan et un prétexte à tuer cela serait moins barbare, allons…ne dites pas de sottises.

– Et bien,…habituellement les tueurs tuent dans le but d’exterminer la personne qui fait obstacle à leur projet, bonheur, etc. J’avoue ne pas comprendre.

Dresse Hinzel ressentait une rage profonde, qu’elle pouvait à tout moment fulminer.

– Quand on a du talent, docteur, on s’en doit d’en tirer profit. Les gens pensent qu’il est limpide d’achever les victimes. Tuer c’est faire un choix, comme vous avez fait le choix de faire des études de médecine. Hélas l’un est légal l’autre pas, pourtant le médecin est capable du pire aussi. L’homme parlait avec sérieux. Il se leva et se mit à marcher de long en large tout en conversant.

Dresse Hinzel n’écoutait pas ce le discours du tortionnaire, elle ne pensait qu’à une chose : venger les martyrs qui passèrent entre les pattes de ce dément cruel, elle élaborait donc un plan.

– Bien, cher M. Napier, il est temps que je vous laisse, je vais demander aux infirmières de venir nettoyer vos abhorrassions. Dresse Hinzel remit la camisole du meurtrier pendant que celui-ci faisait un sourire narquois.

– Ne vous donnez pas cette peine, tant qu’elles me serviront de la bouffe nauséabonde, je vomirais tout, sans laisser cette abjection dans mon estomac.

Elle referma la porte de la cellule à doubles tours.

Elle demanda aux infirmières d’exagérer les sédatifs afin qu’il soit ralentit au niveau psychomoteur. Elle prépara sa seringue de dose létale de kétamine puit entra dans la cellule du meurtrier. Voyant que l’homme était dans un état second, elle entama son dernier discours :

-Observez donc Mr. Napier, vous aviez raison en énonçant que les médecins peuvent être autant coupables   du pire que les bourreaux dans votre genre. Vous éprouviez une totale admiration pour le chaos qui choisit ses victimes impartialement et je suis heureuse de vous annoncer que la folie du chaos qui vous a prise se retourne contre vous par ma propre personne.

Le médecin prit la plume qu’elle avait utilisé pour blesser le patient qui était dans un état second dû aux sédatifs. Elle introduisit dans coup sec la seringue dans son épaule et injecta sa dose mortelle de kétamine qui tua le bourreau. Elle prit le sang du patient pour écrire la suite de la thérapie, en décrivant dans les détails le regard du meurtrier lorsque celui-ci lorgnait la seringue qui annonçait sa mort.

Sara Hussami

Eléve au College ROUSSEAU

Genve le 24 fev . 2010